John Howard Griffin : La ségrégation raciale


Je devais avoir 15 ou 16 ans quand il m'a été donné de lire John Howard Griffin - un journaliste et écrivain américain, réputé pour son combat contre les discriminations raciales. Il est surtout connu pour son ouvrage Dans la peau d'un Noir, écrit à la suite de son expérience de la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis en 1959.

La ségrégation raciale est la séparation physique des personnes de couleurs différentes dans les activités qu'elles exercent couramment que ce soit manger au restaurant, boire de l'eau à une fontaine, utiliser des toilettes, aller à l'école ou au cinéma, ou pour louer ou acheter une maison. La ségrégation peut exister de jure (expression du latin signifiant de droit), instaurée par la loi, ou de facto (du latin, de fait). Dans ce dernier cas, la ségrégation de facto peut même exister illégalement et être contrainte par des moyens allant de la discrimination raciale à l'embauche et dans la location ou la vente de logement, à la formation de milices violentes visant certaines races. Lorsque des membres de races différentes préfèrent s'associer et faire des affaires avec ceux de leur propre origine on parlera de séparation ou de séparation de facto, plutôt que de ségrégation. La ségrégation et la discrimination de facto sont bien plus difficiles à éradiquer que celles de jure.




1959 : Dans la peau d'un Noir

En 1959, préoccupé par la condition des Noirs dans le sud des États-Unis, il décide de subir un traitement associé à des rayons ultraviolets pour se brunir la peau, sous prétexte que si un Blanc voulait vraiment savoir la vérité, il n'avait d'autre choix de devenir lui-même Noir. C'est avec l'aide financière et la sympathie de son ami Georges Levitan, propriétaire de Sepia, un magazine pour Noirs, qu'il commença à mettre en œuvre son projet, sachant très bien grâce aux conseils de ses amis qu'il allait se confronter aux racailles du pays et que même les gens les plus honnêtes du pays auront peur de montrer de la sympathie pour ses idées. Il ne voulait pas changer son nom, et se contenter de raconter à ceux qui voudraient bien l'écouter son projet.

La première étape de son périple fut la Louisiane, où, le 2 novembre 1959 il soumit son corps aux rayons ultraviolets avec un des meilleurs dermatologues du pays. Traitement fatigant, mais qui ne déclenchait aucun traumatisme dans son organisme. Le 7 novembre, le traitement prit fin même si les résultats n'étaient pas ceux espérés mais s'y approchaient1. Il éprouva alors en voyant son visage pour la première fois un sentiment non pas de compassion ou d'attirance mais de dégoût envers ce nouveau reflet. Là, il passe quelque temps en tant que cireur de chaussures avec un ami complice et collègue de ce nouveau travail. Il y fait la connaissance de clients noirs, blancs et Latino-Américains, les noirs leur parlant d'égal à égal et les blancs comme à un meuble.

Il partit ensuite en autocar vers le Mississippi, état le plus raciste des États-Unis d'après ses compagnons de Louisiane et ceux du voyage.

Les chambres d'hôtel déplorables sans lumière, les douches à plusieurs, le guetto vu de l'intérieur, les canailles, les querelles de rues laissées dans le coin de l'œil, les autocars, les déjeuners sur le trottoir, la famine, la difficulté à trouver un travail, les regards haineux, mais aussi les quelques personnes sans discrimination, l'entraide, les étudiants noirs avec l'espoir d'un jour se rendre utile à leur cause.

Contexte historique

Pour des raisons historiques liées à la traite des Noirs et à la persistance des États du Sud à maintenir l'esclavage, le sort des Afro-Américains y était plus précaire qu'ailleurs aux États-Unis et en particulier dans le Sud. L'écrivain Richard Wright en donne pour sa part deux témoignages poignants dans Black Boy et dans Une faim d'égalité. C'est dire que bien des années après que l'esclavage a été aboli, la vie dans les États du Sud pour un afro-américain se caractérisait par la ségrégation qui faisait de lui un citoyen de seconde zone.

Parallèlement à ces faits historiques, c'est à la lecture d'un rapport sur le taux de suicide des afro-américains dans le Sud, plus élevé qu'ailleurs, et au constat selon lequel « ils avaient atteint le stade où peu leur importait de vivre ou de mourir » que Griffin mûrit l'idée de se déguiser en Noir. D'autant qu'il en est convaincu, la barrière qui sépare les deux communautés a achevé de couper le dialogue entre elles. Pour le rétablir, il doit devenir Noir, être l'un d'eux. Ce sera chose faite.

Le procédé

Griffin va faire appel à plusieurs médecins dans sa transformation, et un en particulier va l'aider en lui prescrivant des médicaments d'habitude prescrits en cas de vitiligo (l'Oxsorlen). Ensuite, il va subir des séances de rayons afin de compléter l'effet du traitement. Enfin, il va faire usage d'un colorant à appliquer directement sur la peau. Pour faire plus vrai, il va se raser le crâne.

Concernant l'Oxsoralen, une rumeur courra selon laquelle elle aurait occasionné chez lui un cancer mortel de la peau. Il n'en est rien et les seuls symptômes que l'on pourrait imputer au traitement subi sont des nausées et de la fatigue.

Outre des démarches pour noircir son épiderme, Griffin va prendre la précaution de prévenir le FBI et également de rechercher le soutien du magazine à destination des afro-américains Sepia auquel il offrira l'exclusivité de son expérience, malgré tous les risques que cela peut comporter. Le livre est donc d'abord un reportage journalistique.

Enfin, pour des raisons évidentes de sécurité mais également afin de rendre son expérience authentique, il va prendre la décision de se couper complètement des siens, hormis un appel téléphonique dans une cabine passé au cours de l'expérience.

John H. Griffin fut victime de menaces de mort et son portrait placardé dans sa ville. Cela n'empêcha pas Griffin de recueillir un succès international grâce à son livre et à devenir un des membres du Mouvement des droits civiques ainsi qu'un militant des droits de l'homme.

Biographie

J.H. Griffin est né à Dallas Texas le 16 juin 1920. Il étudie le français et la littérature à l'Université de Poitiers, ainsi que la médecine, également en France. Il passe quelque temps chez les Bénédictins à l'Abbaye de Solesmes où il étudie les effets de la musique sur la folie.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, il est rattaché au service psychiatrique d'un hôpital en France. Puis il prend part à la Résistance et va ensuite servir l'armée américaine dans le Pacifique avant de retourner en Europe juste avant la fin de la guerre. Lors d'un combat, il est atteint par un éclat d'obus qui le rend aveugle quelques mois après. Il rentre alors vivre chez ses parents au Texas et étudie la philosophie, jusqu'à son mariage en 1952. Il retrouve toutefois miraculeusement la vue en 1957.

Il passe ensuite six semaines dans le sud des États-Unis (en Louisiane, au Mississippi, en Alabama et en Géorgie) pour se rendre compte de la ségrégation raciale subie au quotidien par les Noirs. C'est à partir de cette expérience qu'il écrit Dans la peau d'un Noir en 1961. Il étudie beaucoup la justice sociale et les relations sociales, politiques et économiques entre les races.


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