La conscience humaine et le libre arbitre


D’où vient la conscience humaine ?

Rares sont ceux qui, en considérant les êtres vivants les plus simples comme les bactéries, leur attribuent une conscience. Nombreux sont toutefois ceux qui attribuent une forme de conscience à leur chien, leur chat, aux dauphins ou aux singes (avec qui nous avons des ancêtres communs). La conscience doit donc avoir émergé avec la complexification des systèmes nerveux au cours de l’évolution des espèces.

Pour plusieurs, cela implique que la conscience a dû apporter quelque chose de plus aux espèces qui en ont développé une forme particulière. D’où les nombreux travaux sur les fonctions possibles de la conscience. La question des origines de la conscience est donc fortement liée au rôle qu’on va lui attribuer.

L’une des approches les plus fréquente consiste à dire que la conscience a pu être avantageuse pour résoudre les problèmes rencontrés par nos ancêtres primates. Et comme la plupart des primates forment de groupes sociaux, ils font face à de sérieux problèmes découlant de leurs rapports complexes avec leurs congénères. C’est ce qui amène plusieurs auteurs à penser que la plus grande partie de l’évolution de notre intellect se serait faite beaucoup plus en réponse à la complexité de ce monde social plutôt qu’en réponse à l’environnement physique.


Quand la conscience est-elle apparue ?

Cette question peut s’appliquer autant à l’échelle des espèces qu’à l’échelle de la vie d’un individu. Dans le premier cas la question devient « quelles sont les espèces animales douées d’une forme de conscience ? ». Et dans le deuxième cas « quand, durant son développement, un foetus, un bébé ou un enfant humain devient-il conscient ? ».

(...) si la conscience a une fonction, si elle sert à quelque chose, alors la sélection naturelle peut agir sur cette fonction. Elle favoriserait ainsi les individus conscients dans la mesure où ils se voient ainsi avantagés sur le plan reproductif et transmettent à leurs descendants les gènes impliqués dans ces processus conscients.
"Certains ont tenté d’établir des liens entre les origines sociales possibles de la conscience et les modèles neurobiologiques de la conscience actuellement débattus. Bruce Charlton voit par exemple dans le concept de marqueurs somatiques développé par Antonio Damasio un mécanisme tout désigné derrière notre intelligence sociale. Ces marqueurs somatiques auraient pu, selon Charlton, évoluer pour modéliser nos relations sociales et fournir la connotation positive ou négative nécessaire à la création d’une théorie de l’esprit pour tel ou tel individu."
Une chose semble tout d’abord assez certaine, c’est que la conscience est adaptative au moins quand on la considère dans le sens minimal de l’éveil. En effet, sans l’éveil conscient, impossible de se nourrir, de s’accoupler, de défendre ses bébés, ou de faire toute autre action nécessaire à sa survie.


Le libre arbitre

Le libre arbitre est la faculté qu’aurait l'être humain de se déterminer librement et par lui seul, à agir et à penser, par opposition au déterminisme ou au fatalisme, qui affirment que la volonté est déterminée dans chacun de ses actes par des « forces » qui l’y nécessitent. « Se déterminer à » ou « être déterminé par » illustrent l’enjeu de l’antinomie du destin ou de la « nécessité » d'un côté et du libre arbitre de l'autre.

Le principe d'incertitude, la théorie du chaos voire les théorèmes d'incomplétude de Gödel ont, selon certains, apporté des éléments nouveaux à ce débat, sans pour autant le trancher.

Illusion d'optique

L’illusion de mouvement de certaines des roues de l’image ci-dessous se produit uniquement dans notre vision périphérique. Sitôt qu’on fixe une roue, elle s’arrête de bouger, mais pas celles qui se retrouvent en périphérie par rapport à elle. Bien que cette illusion ne soit pas complètement expliquée, on sait que l’ordre dans lequel sont placées les quatre zones de couleur et de luminance différente est déterminant. Plus spécifiquement, le mouvement illusoire tend à se produire d’une région noire vers une région foncée adjacente mais de luminance plus élevée (ici le bleu) ou d’une région blanche vers une région adjacente colorée mais de moindre luminance (ici le jaune).


Source: Akiyoshi KITAOKA, Department of Psychology, Ritsumeikan University, Kyoto, Japan

La conscience humaine et le libre arbitre

Dan Dennett soutient que la conscience humaine et le libre arbitre sont le résultat de processus physiques. Son livre de 2003 «Liberté évolue» explore comment nos cerveaux ont évolué pour nous donner - et que nous - le genre de liberté qui importe, tandis que sa publication de 2006 "Breaking the Spell» examine la croyance à travers le prisme de la biologie.



Transcription

Je voyage autour du monde et donne des conférences sur Darwin, et d'habitude, ce dont je parle c'est de la bizarre inversion du raisonnement de Darwin. Bon, ce titre, cette phrase, provient d'une critique, une des premières critiques, et voilà un passage que j'adore vraiment, et que j'aimerais vous lire.

"Dans la théorie à laquelle nous avons affaire, l'Ignorance Absolue est l'artisan; si bien qu'on pourrait énoncer comme principe fondamental du système entier, que, afin de créer une machine parfaite et belle, il n'est pas nécessaire de savoir comment la fabriquer. Après un examen approfondi, on s'apercevra que cette proposition exprime sous forme condensée, le but essentiel de la Théorie, et exprime en quelques mots toute la réflexion de M. Darwin; qui, par une bizarre inversion du raisonnement, semble penser que l'Ignorance Absolue est pleinement qualifiée pour remplacer la Sagesse Absolue dans les réussites de la créativité."

Précisément. Précisément. Et c'est vraiment une inversion bizarre. Une brochure créationniste contient cette merveilleuse page: "Test Deux: Connaissez-vous un immeuble qui n'ait pas eu de bâtisseur ? Oui Non. Connaissez-vous une peinture qui n'ait pas eu de peintre ? Oui Non. Connaissez-vous une voiture qui n'ait pas eu de constructeur ? Oui Non. Si vous avez répondu "Oui" à l'une des questions ci-dessus, veuillez fournir des détails.

Aha! Je veux dire, c'est véritablement une bizarre inversion du raisonnement. On pourrait penser que cela tombe sous le sens que la conception nécessite un concepteur intelligent. Mais Darwin nous montre que c'est tout simplement faux.

Aujourd'hui, toutefois, je vais parler de l'autre bizarre inversion de Darwin, qui est tout aussi déroutante au premier abord, mais à certains égards est tout aussi importante. Il va sans dire que nous aimons le gâteau au chocolat parce que c'est sucré. Les mecs choisissent des filles comme ça parce qu'elles sont sexy. Nous adorons les bébés parce qu'ils sont si mignons. Et, bien sûr, on se divertit avec des blagues parce qu'elles sont drôles.

Tout cela est à l'envers. Vraiment. Et Darwin nous montre pourquoi. Commençons avec "sucré". Notre goût pour les sucreries est au fond un détecteur de sucre évolué, parce que le sucre est riche en énergie, cette préférence est inscrite dans nos branchements, pour dire les choses crûment, et c'est pour ça que nous aimons le sucre. Le miel est sucré parce qu'on l'aime. Ce n'est pas "on aime le miel parce que c'est sucré". Il n'y a rien d'intrinsèquement sucré dans le miel. Si vous regardiez des molécules de glucose jusqu'à en devenir aveugle, vous ne verriez pas pourquoi elles ont un goût sucré. Il faut regarder dans nos cervelles pour comprendre pourquoi elles sont sucrées. Donc si vous croyez que le sucré a existé d'abord, et que nous avons évolué ensuite pour aimer le sucré, vous raisonnez à l'envers; c'est tout simplement faux. C'est l'inverse. Le sucré est né avec l'évolution de notre branchement.

Et il n'y a rien d'intrinsèquement sexy chez ces jeunes filles. Et heureusement que c'est le cas, parce qu'autrement, Mère Nature aurait un problème : Comment diable faire s'accoupler les chimpanzés ? Alors vous vous dites peut-être : "Ah, mais il y a une solution: les hallucinations" Ce serait une manière d'y arriver, mais il y a un moyen plus rapide : Simplement brancher les chimpanzés de telle manière qu'ils aiment cet aspect, et apparemment, ils l'aiment. C'est pas plus compliqué que ça. Pendant six millions d'années, les chimpanzés et nous, nous avons évolué de différentes manières. Curieusement, nos corps sont devenus glabres; et pour une raison ou pour une autre, pas chez eux. Dans le cas contraire, ceci serait donc probablement pour nous le comble du sexy.

Notre goût pour les sucreries est une préférence évoluée et instinctuelle pour la nourriture riche en énergie. Il n'a pas été conçu pour le gâteau au chocolat. Le gâteau au chocolat est un stimulus supranormal. On doit ce terme à Niko Tinbergen, qui a effectué ses expériences célèbres avec des mouettes, au cours desquelles il a découvert que la tâche orange sur le bec de la mouette, s'il en faisait une plus grande et d'un orange plus vif, les petites mouettes y donnaient des coups de bec encore plus violents. C'était un hyperstimulus pour elles, et elles aimaient ça. Ce que nous voyons en, disons, un gâteau au chocolat c'est un stimulus supranormal qui modifie un peu notre branchement initial. Et il y a des tas des stimulus supranormaux; le gâteau au chocolat en est un. Il y a beaucoup des stimulus supranormaux pour ce qui est sexy.

Et il existe même des stimulus supranormaux pour ce qui est mignon. Voici un assez bon exemple. Il est important que nous aimions les bébés, que nous ne soyons pas rebutés par, disons, des couches sales. Donc les bébés doivent attirer notre affection et nos soins, et c'est ce qu'ils font. Au fait, une étude récente montre que les mères préfèrent l'odeur des couches sales de leur propre bébé. Donc la nature est à l'œuvre à différents niveaux. Maintenant, si les bébés avaient une apparence différente, s'ils ressemblaient à ça, c'est ça que l'on trouverait adorable, c'est ça que nous trouverions... on penserait, oh mon dieu, je veux vraiment serrer ça dans mes bras. Voilà la bizarre inversion.

Bon, et maintenant, parlons de ce qui est drôle. Ma réponse, c'est que c'est toujours la même histoire, toujours la même histoire. Celle-ci est la plus difficile, celle qui n'est pas évidente. C'est pourquoi je la mets à la fin. Et je ne pourrai pas trop en dire à ce sujet. Mais il faut penser en termes d'évolution, il faut se dire : quel travail ingrat qui doit être réalisé -- c'est du sale boulot, mais quelqu'un doit le faire - est assez important pour nous fournir une récompense intrinsèque aussi puissante quand on réussit à l'accomplir. Bon, je pense que nous avons trouvé la solution, quelques-uns de mes collègues et moi. C'est un système neural qui est programmé pour récompenser le cerveau pour avoir fait un travail administratif inintéressant. Notre autocollant de pare-chocs serait ainsi que c'est ça la joie du débogage. Je ne vais pas avoir le temps de détailler tout ça, mais je dirai juste que seuls certains types de débogage sont récompensés. Et que nous utilisons l'humour comme une espèce de sonde neuroscientifique en activant ou désactivant l'humour, en tournant le bouton sur une blague -- là, ce n'est pas drôle ... ah, là, c'est plus drôle... maintenant on va tourner un petit peu plus.. là c'est pas drôle -- de cette manière, on peut en fait apprendre quelque chose sur l'architecture du cerveau, l'architecture fonctionnelle du cerveau.

Matthew Hurley est le premier auteur de cela. Nous l'appelons le modèle de Hurley. Il est informaticien, et Reginald Adams est psychologue, et me voilà, et nous sommes en train d'assembler tout cela dans un livre. Merci beaucoup."

Liens

Bruce Charlton : Review of The Feeling of What Happens: Body, Emotion and the Making of Consciousness. Antonio Damasio. Heinemann: London, 1999.
Wikipedia : Libre arbitre
Fonction et origine de la conscience
La perception visuelle dévoilée par les illusions d'optique
« Il y a quelqu'un dans ma tête, mais ce n'est pas moi »
TED Talks : Dan Dennett - cute, sexy, sweet, funny
Full bio : Dan Dennett
A quoi sert la conscience humaine ? La question de l’observateur en physique. A propos de Mindful Universe, Quantum Mechanics and the Participating Observer, de Henry Stapp (2e édition, Springer, 2011)

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