La Revanche des geeks



Sur le ton de la comédie, ce documentaire raconte l'histoire des geeks, francisé en « guik », un terme d'argot américain, qui désigne plutôt "ringard" outre atlantique.

Cela fait déjà plusieurs années que les médias font une association entre geek, comics, science-fiction, jeu de rôles et jeux vidéos, hacking et programmation de logiciels. L'amalgame et généralisation abusive que diffusent les médias traditionnels en ont fait un stéréotype des passionnés de hautes technologies, voir du marketing pour les technophiles.

Le documentaire La revanche des geeks raconte l'histoire des geeks et reflète la joyeuse diversité d'une culture ludique et foisonnante devenue populaire. Il fait la part belle aux extraits de chansons, de films ou de séries... avec une bonne dose d'humour et d'ironie.

Comment une sous-culture faite d'informatique, de science-fiction, de comic books et de jeux vidéo a-t-elle fini par s'imposer pour devenir la culture dominante de la jeunesse occidentale?




Au début les geeks étaient des losers

Il était une fois, dans les années 70, une tribu minuscule et sans défense: les geeks. Des losers de cours de récré, intellos, lamentables avec les filles et nuls en sport. Face à l'adversité, ils se réfugient dans la programmation de jeux vidéos, dévorent des comics, jouent à des jeux de rôle et s'identifient à des personnages issus des mondes imaginaires.

Puis ils ont conquis le monde

Mais avec l'immense succès de Star Wars, l'essor des technologies informatiques et de l'Internet, la culture geek devient de plus en plus incontournable. Et l'image des geeks finit par changer. Certains d'entre eux deviennent immensément riches. Les autres sont soudainement plus cools, voire même à la mode. Le sens de l'histoire s'inverse... L'heure du triomphe a sonné !

Le geek contemporain est autant que ses aïeux geeks obsédé par la liberté.

La Revanche des geeks

La revanche des nerds, geeks, dorks et autres nolifes, encore à l’état de fantasme en 1984 dans une comédie américaine éponyme, a finalement eu lieu. À l’heure où les hebdomadaires nationaux titrent leurs guides d’achat high-tech par « dossier geek », on aurait presque oublié combien le terme était péjoratif jusqu’aux années 1990.

Les paléo-geeks revendiquaient pourtant moins la reconnaissance et l’appartenance à une communauté qu’un libertarisme forcené. Mais puisqu’ils étaient précisément au cœur des mécanismes de circulation de l’information, ils se révélèrent de formidables influenceurs malgré eux. Il n’a dès lors pas fallu longtemps pour que ce terme anglo-saxon se diffuse jusqu’en France et que, dans une société où la culture technologique n’est plus l’apanage de quelques-uns mais innerve le quotidien de tous, où la Japan Expo a multiplié par dix le nombre de ses visiteurs en moins de dix ans, la « geekitude » soit revendiquée par le moindre possesseur d’iPad ou lecteur de manga. L’apparente invincibilité du capitalisme repose peut-être dans le fait que les communautés qui s’en excluent s’avèrent à terme leurs meilleurs ambassadeurs.

Utiliser en 2012 le qualificatif de geek a-t-il encore un sens ? Le documentaire « Triumph of the Nerds » de 1996, qui entérine dans l’Histoire le succès de l’épopée geek par un titre en clin d’œil explicite à la comédie sortie douze ans auparavant, en avait-il par là aussi entériné la fin ?

Créativité

Pour Jean-Noël Lafargue (blog et interview dans Écrans.fr), maître de conférences associé à l’université Paris 8, une grande partie de la nouvelle génération « digital native », apparue avec les outils et la culture geek, ne semble pas s’intéresser autant qu’on ne le croit au vecteur de communication. C’est d’abord sur l’invention et la fabrication de l’outil, dans l’utopie d’un libertarisme techno-culturel, que la culture geek s’est forgée.



Et ce libertarisme que promettait la culture du « Do it yourself » et de la bidouille typiquement geek n’est pas un acquis contemporain. Aujourd’hui, elle s’efface même souvent largement au profit d’une logique de boîtes noires mystérieuses – les boxes tv-téléphone-Internet, par exemple -, délivrant du contenu ou un service, et dont le fonctionnement n’est plus remis en question tant la finalité a plus d’importance que le moyen, quand bien même le consommateur serait suréquipé.

Indépendance

Le geek contemporain, lui, obsédé par la liberté autant que ses aïeux geeks, sacrifiera toujours communication et vie sociale au profit d’une indépendance technique. Il n’utilise pas les outils existants, il les cracke, il les hacke, il les jailbreake ; mais surtout il invente, réinvente ses propres outils, les fabrique, les construit. Le niveau de complexité et le nombre de couches technologiques accumulées au fil des années font d’une telle exigence de liberté une activité terriblement chronophage, mais cela ne fait pas peur au geek contemporain, puisque c’est sa raison d’être.

Le geek contemporain est comme ces peintres qui s’intéressent plus à leurs pinceaux japonais et à leur maîtrise technique qu’à leur art, laissant aux critiques le soin de donner une finalité à leur production. Ce qui l’intéresse, c’est de se donner les moyens d’être libre. Et plus il en sait, plus il est libre.

"Tout le monde est devenu un peu geek"
Sept questions au réalisateur Jean-Baptiste Péretié

Une co-production d'ARTE France et de La Générale de Production
Réalisation : Jean-Baptiste Péretié

Arte.tv - La revanche des geeks
jeudi, 17 mai 2012 à 01:35
Pas de rediffusion
(France, 2011, 52mn)
ARTE F

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