La vraie raison d'être des cerveaux


Quel rapport entre un animal marin, le Tunicier prédateur, et un professeur d'université titularisé?

Le terme tunicier vient du latin et signifie "tunique", pour désigner le revêtement plus ou moins épais qui enveloppe et protège leur corps. Synonyme de tunicier, on les nomme également "urocordés". Ci-contre, la prédatrice ascidie (Megalodicopia hians), une ascidie qui est unique pour son style d’alimentation. Alors que les autres tuniciers se nourrissent en filtrant leur alimentation, la prédatrice ascidie attend qu’une minuscule vie marine nage dans sa hotte et pour connaitre une horrible fin.

Pour le neuroscientifique Daniel Wolpert, le tunicier est "un animal rudimentaire, il a un système nerveux, nage dans l'océan dans sa jeunesse. Et à un moment de sa vie, il s'implante sur un rocher. Et la première chose qu'il fait en s'implantant sur ce rocher, qu'il ne quitte jamais, est de digérer son propre cerveau et système nerveux pour nourriture. Donc une fois que vous n'avez plus besoin de bouger, vous n'avez pas besoin du luxe qu'est ce cerveau. Et cet animal est souvent pris comme analogie de ce qui se passe dans les universités quand les professeurs sont titularisés, mais c'est un autre sujet."

Le neuroscientifique Daniel Wolpert commence avec une prémisse surprenante : le cerveau a évolué, non pour penser ou ressentir, mais pour contrôler les mouvements. Dans cette présentation divertissante et riche en données, il nous donne un aperçu de comment le cerveau crée la grâce et l'agilité du mouvement humain.



"Je suis un neuroscientifique. Et en neurosciences, nous devons répondre à nombre de questions difficiles à propos du cerveau. Mais je veux commencer avec la question la plus facile et la question que vous auriez vraiment dû tous vous être posés à un moment de votre vie, parce que c'est une question fondamentale si nous voulons comprendre la fonction du cerveau. Et il s'agit de pourquoi nous, et d'autres animaux, avons des cerveaux ? Toutes les espèces sur la planète n'ont pas un cerveau, donc si nous voulons savoir à quoi sert le cerveau, réfléchissons à pourquoi nous avons évolué pour en avoir un. Vous pouvez raisonner que nous en avons un pour percevoir le monde ou pour penser, et ceci est totalement faux. Si vous pensez à cette question pendant un certain temps, ça saute aux yeux pourquoi nous avons un cerveau. Nous avons un cerveau pour une raison et une seule, et c'est dans le but de produire des mouvements adaptables et complexes. Il n'y a pas d'autre raison pour avoir un cerveau. Pensez-y. Le mouvement est la seule façon que nous avons d'avoir un effet sur le monde qui nous entoure. Maintenant, ce n'est pas tout à fait exact. Il y a un autre moyen, et c'est par la sueur. Mais à part ceci, tout le reste passe par la contraction de muscles.

Pensez à la communication, le discours, les gestes, écrire, le langage des signes, ils sont tous faits par l'intermédiaire de contractions musculaires. Donc il est vraiment important de se rappeler que les processus sensoriels, mnésiques et cognitifs sont tous importants, mais ils sont importants seulement pour soit provoquer, soit supprimer de futurs mouvements. Il ne peut pas y avoir d'avantage évolutionnaire à abandonner des souvenirs d'enfance ou à percevoir la couleur d'une rose si cela n'affecte pas la façon dont nous allons nous mouvoir plus tard dans la vie.

Maintenant pour ceux qui ne croient pas en cette position, sur notre planète nous avons les arbres et l'herbe qui n'ont pas de cerveau, mais la preuve décisive est cet animal ici, l'humble tunicier. Un animal rudimentaire, il a un système nerveux, nage dans l'océan dans sa jeunesse. Et à un moment de sa vie, il s'implante sur un rocher. Et la première chose qu'il fait en s'implantant sur ce rocher, qu'il ne quitte jamais, est de digérer son propre cerveau et système nerveux pour nourriture. Donc une fois que vous n'avez plus besoin de bouger, vous n'avez pas besoin du luxe qu'est ce cerveau. Et cet animal est souvent pris comme analogie de ce qui se passe dans les universités quand les professeurs sont titularisés, mais c'est un autre sujet.

(Applaudissements)

Donc je suis un patriote du mouvement. Je crois que le mouvement est la fonction la plus importante du cerveau ; ne laissez personne vous dire que cela n'est pas vrai. Maintenant si le mouvement est si important, comment nous en sortons-nous à comprendre comment le cerveau contrôle le mouvement? Et la réponse est très très mal ; c'est un problème très difficile. Mais nous pouvons déterminer comment nous nous en sortons en pensant à notre aptitude à construire des machines qui peuvent faire ce que les humains font.

Pensez au jeu des échecs. Comment parvenons-nous à déterminer quelle pièce bouger et où ? Si vous opposez Gary Kasparov ici, quand il n'est pas en prison, à la machine Deep Blue d'IBM, eh bien, la réponse est que Deep Blue gagnera à l'occasion. Et je pense que si Deep Blue jouait contre n'importe qui dans cette pièce, il gagnerait à tous les coups. Ce problème est résolu. Qu'en est-il du problème d'attraper une pièce d'échecs, de la manipuler avec dextérité et de la reposer sur le plateau ? Si vous opposez la dextérité d'un enfant de 5 ans contre les meilleurs robots actuels, la réponse est simple : l'enfant gagne facilement. Il n'y a pas du tout de compétition.
(...)"

Traductions et transcriptions sur le site TedTalk
Daniel Wolpert : the real reason for brains

Wikipedia : Predatory tunicate (En ^_^)

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